La France a franchi le cap symbolique des 100 millions de visiteurs étrangers en 2024, un chiffre qui fait briller les yeux des politiques et qui semble confirmer notre statut de première destination touristique mondiale. Pourtant, derrière ce nombre impressionnant se cache une réalité bien moins glorieuse que l’Alliance France Tourisme vient de mettre en lumière.
Le mirage des 100 millions
Imaginez-vous sur la terrasse d’un café parisien, observant le ballet incessant des touristes qui défilent, appareil photo en main, pour immortaliser la Tour Eiffel avant de repartir vers d’autres horizons. Cette image illustre parfaitement le problème français : nos visiteurs ne font que passer.
« La France n’est plus le leader mondial du tourisme », a déclaré sans ambages Dominique Marcel, président de l’Alliance France Tourisme, le 3 juillet 2025. Cette affirmation peut sembler paradoxale, mais elle prend tout son sens quand on s’intéresse aux recettes touristiques plutôt qu’au nombre de visiteurs.
Avec 71 milliards d’euros de recettes touristiques l’an dernier, la France se classe seulement à la quatrième position mondiale, loin derrière l’Espagne qui a engrangé 126 milliards d’euros avec moins de visiteurs. Un écart qui donne à réfléchir.
Un pays de passage plutôt que de séjour
J’ai encore en mémoire cette famille américaine rencontrée dans un train pour Amsterdam. « Nous avons passé deux jours à Paris, c’était magnifique, mais maintenant nous allons explorer les Pays-Bas pendant une semaine entière », m’avaient-ils confié. Cette anecdote personnelle illustre parfaitement le phénomène.
La Commission européenne confirme cette tendance dans une étude récente : avec 138,5 millions de nuitées d’étrangers enregistrées dans les établissements d’hébergement touristique en 2023, la France n’est que troisième en Europe, loin derrière :
- L’Espagne (301,7 millions de nuitées)
- L’Italie (234,3 millions de nuitées)
- Et à peine devant la Grèce (123 millions de nuitées)
« C’est dû au fait que la France est un pays de passage », explique Dominique Marcel, avec des visiteurs qui ne passent qu’une « nuit étape » dans le pays.
De la quantité à la qualité : un virage nécessaire
Sentez-vous cette brise marine sur les plages de Corse, humez le parfum des lavandes en Provence, savourez un verre de vin dans un château bordelais… La France regorge d’expériences sensorielles uniques qui mériteraient qu’on s’y attarde. Pourtant, nos visiteurs semblent pressés.
« Ce qu’on veut, c’est passer d’une approche en volume à une approche en valeur », poursuit Dominique Marcel. À l’heure où le surtourisme devient une préoccupation majeure dans de nombreuses destinations, cette réflexion prend tout son sens.
Pour l’Alliance France Tourisme, la solution passe par plusieurs axes :
- Investir davantage dans les infrastructures touristiques
- Rénover le parc hôtelier vieillissant
- Mieux répondre aux attentes des visiteurs contemporains
- Ne pas négliger le tourisme domestique, qui représente deux tiers de la dépense globale
L’après JO : une opportunité à saisir
Les Jeux Olympiques de Paris ont braqué les projecteurs sur notre pays, mais l’effet risque d’être de courte durée sans une stratégie adaptée. « Il ne faut pas s’autocongratuler, les autres progressent très vite et on perd des points. Il vaut mieux se poser des questions maintenant parce qu’il faut dix ans pour investir », conclut Dominique Marcel.
Le défi est lancé : transformer les visiteurs pressés en véritables voyageurs immersifs, prêts à s’imprégner de l’art de vivre à la française. Car au-delà des monuments et des musées, c’est bien cette expérience authentique qui pourrait convaincre les touristes de prolonger leur séjour et, par conséquent, d’augmenter leurs dépenses sur notre territoire.
Le secret est désormais révélé au grand jour : la France doit cesser de se contenter d’être une destination de passage pour devenir une véritable terre de séjour. Un changement de paradigme qui nécessitera des investissements conséquents et une vision à long terme de notre politique touristique.
